Fais pas genre

Oh lala quelle soirée mes ami·es !

J’étais invitée à participer au Festival Égale à Égal le 16 novembre dernier : on m’a offert toute la patinoire de Poitiers pour que mes gamin·es et moi faisions des sottises toute une soirée. Que le festival et l’équipe de la patinoire en soient remercié·es, c’est dans ce genre d’endroit pas du tout adapté pour jouer la comédie que je m’éclate le plus ! Une patinoire chaleureuse, comme un frigo où il fait 25°C.

Après plusieurs réunions de préparation en famille, après avoir tourné et retourné dans tous les sens les questions de Genres, de Féminité, de Masculinité, de Virilité, de Féminisme, de Mixité, de Sexualité et de Sexualisation, nous avons imaginé une soirée joyeuse, bienveillante et festive où les participant·es pourraient toucher, s’amuser, se faire bousculer la morale autour de nos rapports Hommes-Femmes-Autres. Guillemette, hôte poilue. Voilà comment ça s’est passé :

En arrivant à la patinoire, avant même de louer ses patins, les convives se voyaient attribuer un genre pour la soirée par la dure, mais juste, loi du hasard. Une fois homme, femme ou les deux à la fois, on pouvait alors rejoindre la glace et participer à l’une de nos activités :

Patriarcat Strike, Défonce moi l’assemblée

Stand à l’affluence permanente, c’est ici que les femmes (d’après le tirage au sort du début) pouvaient briser symboliquement cette société patriarcale qui voit bien trop d’hommes sur les bancs des instances dirigeantes et décisionnaires. Sur une luge de premier choix, elles fonçaient tête baissée sur un hémicycle de quilles en cravate dressé au bout de la piste.

Les Minous du Poitoula friandise féminine parmi les pâtisseries de bonhomme

Ici, tout le monde pouvaient acheter son petit paquet de Minous du Poitou. Nouvelle douceur du coin qui se démarque des autres spécialités pâtissières françaises aux noms d’organes sexuels masculins. Si on peut manger des bites de Barbezieux et des coucougnettes de Pau, pourquoi ne pas se délecter d’un Minou à la fraise des bois ? Je remercie ici, la pâtissière qui créa la recette : Philomène Levulge.

Le Curling Lingus

Sachant que nous allions occuper la patinoire, c’est tout naturellement que l’idée de s’adonner au curling nous est venue. Ce sport aussi bizarre qu’intriguant est le médium parfait pour sensibiliser la gente masculine à l’existence de l’organe de plaisir féminin : le clitoris. En effet, le plaisir sexuel féminin est encore trop tu et tabou par rapport à son homologue masculin. Nous avons donc proposé aux  hommes (toujours selon le tirage au sort), de lancer une langue ou un doigt de bois le plus habilement possible, avec douceur et précision, vers la cible clitoridienne. L’orgasme n’a pas été atteint à tous les coups lors de la soirée mais le plaisir a tout de même été partagé.

Le stand photo non-genré

Chacun, chacune pouvait ici se faire accessoiriser par un styliste  en fonction de son genre du soir. Elles et ils posaient ensuite au milieu de la glace et repartaient avec leur photo souvenir. 

Le mur d’expression paritaire

Simple et efficace : nous avons mis à disposition des feutres et de grandes feuilles blanches sur les murs pour que tout le monde s’exprime à travers le sujet n°1 de l’art graphique : dessiner des bites. Oui, mais à la condition de dessiner autant de chattes alors.

Au milieu de la soirée, tel l’entracte, nous avons tous dû quitter la glace pour que la grosse machine à refaire la glace refasse la glace. C’était l’occasion de faire sortir, celles et ceux qui voulaient, par notre Couloir du harcèlement. Derrière un rideau énigmatique, un·e par un·e, on passait au milieu d’une haie d’honneur faite de harceleur·euses. Ces petites remarques, ces regards lourds, ces sifflements, ces adresses violentes que beaucoup de femmes subissent étaient ici expérimentés par les participant·es. Histoire de voir ce que ça fait, histoire de se rendre compte, histoire d’en parler, histoire de le vivre. On n’était pas là pour pousser au suicide, on savait que c’était pour de faux, ça riait, mais jaune. 

Juste avant de retourner patiner, nous avons laissé sortir notre femme forte, une image d’une femme masquée entravée par des gens qui la tiennent encordée. Elle s’est débattue pendant toute une traversée de patinoire pour réussir à se libérer et faire fuir ses geôliers.  

Puis nous avons eu droit à une très belle proposition de deux jeunes patineuses artistiques et deux jeunes hockeyeuses. Sur une mise en glace de Marina Moreau et en un temps plus que record pour le monter, ce petit spectacle chorégraphié donnait à voir le masculin et le féminin sur la même glace : ils et elles s’observaient, se toisaient, se rencontraient et se mélangeaient. Fallait y être mes enfants, j’en verserait encore une petite larme !

Le fameux jeu du clito de Minnie 

Pour la deuxième partie de soirée, j’ai monté le son de ma playlist minorités invisibles pour laisser s’exprimer nos genres un maximum. Cela a commencé avec un défilé sur tapis rouge où toutes et tous les participant·es laissaient jaillir leur style genré aux yeux de toustes. Nous avons continué la soirée avec toujours le stand photo, la vente de minous du Poitou et la fête. Ça dansait sur les patins mes enfants, c’était joyeux ! Minnie, qui était là depuis le début, nous faisait attraper son clito au bout d’une canne à pèche à la manière de son mari dans les manèges. On a même eu droit à deux magnifiques queue-leu-leu et clito-leu-leu en musique.

On souriait, on jouait le jeu, on s’observait, on rigolait, on se travestissait, on se mélangeait si facilement. Bien loin des clivages genrés du quotidien. Si le monde de demain pouvait se transformer en une patinoire comme celle là…

Je remercie encore l’équipe de la patinoire de Poitiers, celle du festival Égale à Égal, et ma chère petite famille, recomposée pour l’occasion par des cousins et cousines venus prêter main forte. 

Je vous bige sur toutes les joues et je retourne faire des étirements pour soigner mes courbatures.

Arlette